Par Marie Glorieuse Nelson
Comme promis durant sa campagne électorale, le 47ème président américain a enclenché son plan d’expulsion massive. Une campagne qui crée un climat de peur chez les personnes en situation irrégulière. Et dont l’exécution soulève des questions concernant le respect des droits humains.
Peur de la police d’immigration
Jeudi 6 mars 2025, 18h, l’intersection des avenues Flatbush et Church à Brooklyn, New York a un air vide et blême. Ce tronçon de route très fréquenté par les communautés caribéennes et latines, limitrophe aux quartiers baptisés Little Caribbean, Prospect Park South et Prospect Leffert Gardens est habituellement bouillonnante de vie. Les vendeurs de Street Food d’habitude présents aux coins des rues de cette intersection ont disparu. Le froid a certes toujours main mise
sur la ville, mais cette atmosphère en apparence flegmatique s’est progressivement installée après l’entrée en fonction de Donald Trump. L’administration de ce dernier met tout en place afin de tenir sa promesse et de mener la plus grande campagne d’expulsion massive jamais vue. Ses premières actions et décrets créent la panique chez les personnes en situation irrégulière installée aux États-Unis. Nombreux sont ceux qui avouent limiter leurs déplacements par peur de rencontrer les agents de la police d’immigration américaine (ICE).
Cette situation de panique et de peur a été longtemps anticipée par certains organismes de défense de droits humains. C’est le cas de la structure Haitian Bridges Alliance qui milite pour des politiques migratoires justes et humaines et de la Fondation pour l’émancipation des Femmes et des Filles (FEWGI), tous deux des organismes encrés dans la communauté haïtienne des États-Unis. Ils sont parmi des dizaines d’organisations à avoir organiser des séances de formations sur les droits migrants avant que cette nouvelle administration ne prenne place. Ces formations visent à former les personnes en situation irrégulière (undocumented) à exercer leurs droits.
Comportements à adopter en cas de descente
S’il est évident que le pays hôte détient le pouvoir sur la gestion de son territoire et peut recourir à l’expulsion de certains sujets, ceux en situation irrégulière ont également des droits. Et ces expulsions doivent être placées dans un cadre légal où les droits humains prévalent. En tout cas, ils devraient d’après Monalisa Ferrari, haïtiano-américaine et fervente supportrice du respect des droits humains et fondatrice de l’organisme FEWGI. L’éducatrice indique que les différentes séances de formation qu’elle a initiées enseignent aux bénéficiaires, les comportements à adopter au quotidien ou en cas de descente de la police d’immigration : « Nous les encourageons avant tout à toujours se munir de leurs documents d’identification. Permis de conduire s’ils en ont un ou tout document certifiant qu’ils ont un dossier en cours à l’immigration. Ils peuvent garder le silence, appeler leur avocat, etc. », indique la pédagogue. Pour elle, toute expulsion passe par le respect des lois de la constitution américaine. À défaut d’en être certaine, elle le souhaite de tout cœur.
Dans un monde idéal, les règles de droit seraient appliquées, mais le contexte actuel où l’administration opère de nombreux changements, les lignes et mode opératoire sont flous. Edine Célestin, militante des droits humains et détentrice du statut de protection temporaire (TPS) aux États-Unis, croit que la situation est incertaine et chaotique. « Je ne pense pas que l’on puisse parler de droits humains dans ce contexte […] C’est une cacophonie. Pour moi la situation est chaotique. L’on ne peut pas parler de respect des droits dans une situation pareille », martèle la photojournaliste. Comme ses 500 000 compatriotes haïtiens qui bénéficient du statut temporaire, Edine vit dans la peur que ce statut soit définitivement suspendu en août 2025. Une crainte fondée sur la récente décision de l’administration en place de revenir sur la durée de ce statut accordé aux Haïtiens. Initialement prolongé à février 2026, il prendra fin le 3 août 2025. S’il n’est pas renouvelé, ces bénéficiaires risquent l’expulsion.
Un système judiciaire en constante réforme
Les nouvelles mesures et changements occasionnés par la nouvelle administration américaine suscitent la prudence chez les professionnels du Droit. Stéphanie Deliah est avocate. Elle dirige également l’organisme Little Haiti Bk, une association qui fait la promotion de la culture haïtienne et caribéenne à Brooklyn. Elle indique avoir foi au système judiciaire américain. Cependant, elle se veut prudente quand il s’agit du processus en place pour les expulsions massives. « En temps normal, la police d’immigration est entrainée à appréhender les personnes en situation irrégulière en respectant les lois. C’est-à-dire, traiter les appréhendés comme des humains, respecter leur droit de garder le silence ou de contacter leurs avocats. Mais des résultats astronomiques sont attendus d’eux en ce moment », explique-t-elle.
L’actuel contexte peut engendrer des actions zélées, et selon elle, il est difficile de spécifier si ces agents respectent la loi à la lettre. D’autant que les données changent à une vitesse vertigineuse. « Ce qui est valable aujourd’hui, à cette minute, n’est plus certaine la seconde d’après. La seule certitude du moment est que cette administration met tout en œuvre pour concrétiser sa promesse électorale », indique la juriste.
La machine à refouler les immigrants en branle
Outre les décrets anti-immigration prises par le Président Trump, d’autres mesures inquiétantes ont été actées. Le retrait des États-Unis du Conseil des droits de l’homme de l’ONU par exemple. Ou encore les publications outrageuses effectuées sur les comptes officiels de la Maison Blanche sur les réseaux sociaux.
Va-t-on assister à des violations des droits de la personne dans la campagne de déportation massive ? Le temps et les témoignages diront le reste. En attendant les perspectives semblent assez sombres.
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