Le calvaire des déplacés de Port-au-Prince

Par Allwitch Joly

Port-au-Prince, cœur battant d’Haïti, est devenue en 2025 un théâtre de guerre où la violence des gangs fait rage. Selon le rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) de janvier 2025, environ 700 000 personnes sont désormais déplacées internes dans cette seule zone métropolitaine, représentant près des deux tiers du total national (1,041 million). Cette explosion – une hausse de 87 % en un an – traduit une crise humanitaire sans précédent. Des quartiers entiers comme Delmas 2, Carrefour-Feuilles ou encore Solino sont désertés sous la menace des balles et des incendies criminels orchestrés par les gangs.

Au camp de l’Office de la Protection du Citoyen (OPC), où nous avons recueilli les témoignages de déplacés, la détresse est palpable. Une habitante raconte : « La raison pour laquelle nous nous sommes tous retrouvés à l’OPC, c’est que les bandits nous ont chassés. Avant cela, nous vivions à Solino. Nous avons tout tenté pour éviter d’en arriver là, pour ne pas être contraints à ce mode de vie. Mais aujourd’hui, les bandits nous ont expulsés et ont incendié nos maisons. Nous avons été forcés de fuir. »

Ce récit illustre une réalité brutale : à Port-au-Prince, 83 % des familles déplacées cherchent refuge chez des proches ou dans des communautés déjà exsangues, tandis que d’autres, comme ceux de l’OPC, s’entassent dans 67 sites improvisés – contre 42 un an plus tôt, selon l’OIM. Écoles abandonnées, églises ou places publiques se transforment en abris de fortune, dépourvus d’eau potable, de nourriture suffisante et d’hygiène de base.

Conditions « extrèmement précaires »

Les conditions de vie dans ces camps sont inhumaines. Une autre déplacée de l’OPC confie : « Les conditions de vie dans le camp sont extrêmement précaires. Nous manquons de nourriture, nous n’avons pas d’eau potable, ni même de quoi nous laver. Les enfants ne peuvent pas aller à l’école. Quand il pleut, nous devons assécher l’espace avant de pouvoir dormir. Nous ne sommes pas du tout à l’aise ici. » Ces témoignages font écho à l’insécurité qui persiste même dans ces refuges : en mars 2025, une attaque contre le site du lycée des jeunes filles a fait un mort et trois blessés.

Les enfants, qui représentent plus de 50 % des déplacés à Port-au-Prince (soit environ 350 000), paient un lourd tribut. Avec plus de 500 écoles fermées dans la commune en raison des violences, selon l’UNICEF, leur éducation s’effondre. Pire encore, le recrutement par les gangs a bondi de 70 % en un an, certains enfants n’ayant que 12 ans. Les femmes, quant à elles, affrontent une vague de violences sexuelles : les viols dans les sites ont explosé de 1 000 % en 2024, d’après l’ONU.

Aide insuffisante

Face à cette crise, l’aide humanitaire reste cruellement insuffisante. Sur les 674 millions de dollars requis par le plan de réponse onusien, seuls 42% sont financés, abandonnant les déplacés à leur sort. Au camp de l’OPC, une voix s’élève pour implorer un sursaut : « Notre priorité est de pouvoir retourner chez nous, à Solino. C’est ce que nous demandons aux autorités haïtiennes. Nous lançons également un appel à la communauté internationale, notamment à l’administration Trump, afin qu’elle revienne sur sa décision et permette aux ONG d’intervenir pour venir en aide aux personnes déplacées. » Cette supplique souligne l’urgence d’une mobilisation globale, alors que les habitants de Port-au-Prince, chassés de chez eux, rêvent simplement de retrouver une vie digne.


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